jeudi 28 février 2008

Manuel de Granada













Granada, España, 27 janvier 08

Calle Angulo, numero Uno (quatrième épisode)

La huerta de San Vicente fût un hâvre, sûrement, pour le poète Lorca, tandis que s’agitaient jusqu’aux tréfonds de l’Espagne quelques “sanglots longs de violons automnaux”. La république bouillait, en danger, les nationalistes, ceux qui deviendront les franquistes, s’agitaient tout autant. Et voici Grenade une nouvelle fois plongée dans l’Histoire, comme tant de siècles en arrière lorsque la pression catholique au XVe se fit étreinte insoutenable et jusqu’à Boabdil, dernier sultan d’Al-Andalus, du Royaume de Grenade qui remit les clés de la ville à Isabelle la Catholique et Ferdinand d’Aragon. Boabdil, sommé de “pleurer comme une femme ce qu’il n’avait pas su protéger comme un homme”. Mais c’est toute l’Espagne qui pleure Garcia Lorca de n’avoir pas su le protéger. Garcia Lorca, assassiné par simple calcul politique d’un chefaillon local si l’on en croit les dernières révélations de l’écrivain Ian Gibson (“El Hombre que detuvo a Garcia Lorca”, éd. Aguilar, sept. 2007), au bout d’une nuit de prison en compagnie - comment pouvait-il en être autrement - d’un torero et d’un bandillero, dans uen forêt qui ne vit pas le soleil se lever ce jour là, à une portée de fusil de l’Albaicin, du côté de Viznar. Et toute l’Espagne, ce matin là, très vite, qui se réveille, la nouvelle fusant à la surface du pays comme une traînée de poudre stupéfiante, et toute l’Espagne qui prend alors immédiatement conscience du crime, fascistes compris, sauf les plus obtus et incultes naturellement, qui mesure l’incongruité de ce geste stupide. Mais on avait bien assassiné Jaurès, pourquoi pas Lorca ? Sous les murailles de l’Alhambra, dans sa Carmen aux volets bleus, les Carmen, ces maisons typiques de Grenade articulées autour d’un jardin reposant, Manuel de Falla ne rêvait pas encore à Buenos Aires, mais il devrait voir, la ville n’était pas gonflée comme aujourd’hui, il devait voir la maison de son ami Federico, depuis cette petite maison où Manuel et sa soeur vivaient simplement pour la musique, et la poésie, de Federico, notamment.

lundi 25 février 2008

Kosovo : indépendance J-8


Sous le ciel d'hiver, la campagne kosovare a triste allure. Des guirlandes de sacs plastique décolorés s'accrochent dans les arbres et jonchent les lits des ruisseaux. A l'abandon, des épaves de voitures rouillent lentement mais sûrement. De multiples décharges exhibent à ciel ouvert les souillures d'une société de consommation qui n'a pas encore accès au recyclage. Sans accotement et coupées par des chemins de terre, les routes sont irrémédiablement boueuses. Les voitures sont toutes recouvertes d'une couche opaque. Chaque bourgade possède ses laveurs de voitures. Pour 1 à 2 euros, ils passent votre carrosserie au karcher puis l'essuient au chiffon. Un boulot rude, du matin au soir dans le froid, le vent et l'humidité… un boulot précieux qui rapporte une dizaine d'euros par jour. 

Au sud de Mitrovica, l'espace rural est jalonné de fermes et de petits cimetières musulmans. Des panneaux publicitaires vantent - ou vendent - une vie idéale avec mariage, crédit et voiture de luxe… Ici, les Albanais reconstruisent à tour de bras. Même en plein champs, de gigantesques maisons en briques s'élèvent un peu partout. Des habitations de deux à trois étages, avec de grandes baies vitrées et des terrasses surélevées. Le style est plus fonctionnel qu'élégant. Les quelque 200 à 250 m2 habitables doivent accueillir deux à trois générations d'une même famille. On dit que les Kosovars n'auraient pas confiance dans leurs banques et investiraient tout ce qu'ils possèdent dans leur maison. Les Serbes ne reconstruisent pas ici. 200.000 ont fui le Kosovo depuis 1999. Ceux qui restent vivent reclus dans les enclaves et tremblent d'en sortir. 

(à suivre)
 

vendredi 22 février 2008

En 20 ans, le risque d’avoir un cancer a doublé

Si on met de coté le vieillissement naturel de la population et le perfectionnement du dépistage, l’augmentation du risque d’avoir un cancer est tout de même de 52% pour l’homme et 55% chez la femme. Ces sont les données rendues publiques le jeudi 21 février, par l'Institut de veille sanitaire (InVS). En 2005, il y a eu 320.000 nouveaux cas de cancer (180.000 chez les hommes et 140.000 chez les femmes).
Par contre, le risque de mourir d’un cancer a lui considérablement baissé, (24% de risques en moins). Si on résume, on peut dire qu’il y a en France plus de cancers, mais qu’on soigne mieux. Un rapport qui fera encore gronder les « lanceurs d’alertes ». En effet, certaines ONG environnementales, comme l’Alliance pour la Planète, prédisent qu’un homme sur deux et une femme sur trois aura un cancer dans les années qui viennent. Et ces ONG continuent de s’indigner que le risque environnemental ne soit toujours pas suffisamment pris en compte par les pouvoirs publics. En effet, ces derniers privilégient la recherche sur les soins, au lieu de chercher réellement à éliminer les causes du cancer. Le débat reste ouvert entre le "tout prévention" et le "tout médical".

Kosovo : indépendance J-9


La route principale qui mène de Gracanica à Pristina surplombe la ville. Une brume grisâtre recouvre la cité, devenue ces dix dernières années un pôle stratégique des Balkans. Entre une foule de bâtiments en construction, la pointe d'un minaret se profile. La ville est en pleine expansion. En périphérie se multiplient les centre commerciaux, les concessionnaires de voitures (marques allemandes surtout). Le salaire moyen n'est pourtant ici que de 200 euros par mois. Plus de la moitié de la population est sans emploi. 90% des Serbes. Mais l'omniprésence depuis 1999 des équipes internationales (ONU et OTAN) a changé la donne pour certains. Ceux qui ont la chance de parler anglais et de travailler pour les instances étrangères s'en sortent plutôt mieux. 
Lettres capitales rouges sur fond blanc, un grand panneau publicitaire clame en anglais "INDEPENDANCE nous sommes prêts". L'aigle albanais à double têtes apparaît en arrière-plan. Il semble que l'hôtel Afa ait anticipé les événements. Pas de précision encore sur la date de proclamation d'indépendance. Le Premier Ministre Hashim Thaci répète, depuis sa nomination en novembre dernier, que le Kosovo sera indépendant en 2008. "Les élections présidentielles en Serbie n'y changeront rien." Poussé par une population à 90% albanaise qui a de bonnes raisons de s'impatienter, l'ancien leader de l'UCK (armée de libération du Kosovo) se veut l'homme d'un Kosovo indépendant. "C'est une question de jours…" disait-il à la veille du scrutin serbe. Dans un café saturé de fumée - la loi antitabac n'est pas encore passée par-là - on commente avec sarcasmes les derniers exploits de Vojislav Kustunica. Le très conservateur premier ministre de Serbie vient de refuser de signer l'accord pour l'entrée de son pays dans l'Union Européenne. La fierté serbe n'a pas de limite, semble-t-il.

(à suivre)

mercredi 20 février 2008

Gracanica, monastère orthodoxe du 14e siècle








Kosovo : indépendance J-10

Atterrie à Skopje (Macédoine), je traverse les montagnes qui mènent au Kosovo. 17h, la nuit est tombée sur la route sinueuse aux nids de poule innombrables. Dans un virage, le poste frontière s'annonce à la lueur des phares. "Dobredan" (bonjour), passeport, papiers du véhicule. Je suis au Kosovo. Le président serbe Boris Tadic vient d'être réélu. J'emprunte l'unique route qui mène à Pristina. En 1999, les blindés des forces de l'OTAN s'y embouteillaient sur de longs kilomètres. Ils allaient bloquer l'arrogante offensive d'un tyran - Slobodan Milosevic - et administrer la région. L'organisation internationale est toujours en place. Mais ici la majorité de la population - albanaise - n'aspire qu'à une chose, l'indépendance. 

19h, Gracanica, l'enclave serbe au sud-est de Pristina, 30.000 hab. Je devine dans la pénombre la silhouette du monastère. Une merveille, m'a-t-on dit, inscrite au Patrimoine mondial de l'Unesco. L'hôtel est juste derrière. Le patron ne parle pas anglais mais le comprend un peu. Son sourire, son sens du service et sa bière (pivo) sont accueillants. Une chance, il y a de l'électricité dans ma chambre. Avec le fracas de l'air dans les tuyaux, l'eau chaude sort brutalement de la pomme de douche. Allez, une soupe (délicieuse) et au lit !

(à suivre)

lundi 18 février 2008

Des insectes développent des résistances aux insecticides OGM

Pour la première fois, un insecte résistant aux insecticides OGM est apparu. Helicoverpa zea, est une sorte de papillon blanchâtre, ressemblant aux mites, qui vit aux Etat-Unis. Des résistances sont apparues chez cet insecte ravageur du coton, dans une douzaine de champs de coton dans le Mississipi et l’Arkansas, 7 ans après l’introduction de coton Bt dans ces Etats. Des chercheurs de l’université d’Arizona ont étudié les insectes pendant plusieurs années. Il se trouve que l’insecte ravageur a développé au fil des ans une capacité à résister à la toxine « Cry1ac » délivrée par le coton OGM bt. Ce phénomène de résistance avec les OGM est le premier cas observé et analysé par des scientifiques. Si le phénomène s’étend, il faudra à nouveau changer de pesticides dans les cultures ou augmenter la dose de poison dans les plantes. Dans les deux cas, c’est une nouvelle preuve de l’échec de la stratégie du « tout OGM » pour défendre les cultures.

mercredi 13 février 2008

Faire de la production intégrée au lieu d'utiliser des intrants

Un programme de recherche sur les cultures respectueuses de l’environnement a été lancé en novembre dernier par un groupement d’intérêt scientifiques, dont l’INRA (l’Institut national de recherche agronomique) et l’Interfel (l’interprofessionnel des fruits et légumes). De son petit nom PICLég (Production Intégrée en Cultures Légumières), ce programme a pour objectif de concevoir des systèmes de cultures (en plein champs ou sous serres) moins dépendants de la chimie. En faisant de la lutte intégrée (en utilisant des prédateurs biologiques comme les coccinelles pour manger les pucerons) les chercheurs définiront les perspectives de développement de ce type d’agriculture.
Une mesure concrète, dans la droite ligne du tournant pris fin 2005 par l’Inra dans son rapport rendu aux ministères de l’Agriculture et de l’Ecologie qui faisait déjà l’éloge de la production intégrée. Les conclusions du rapport de 2005 ne sont donc pas restées des paroles en l’air. C’est une vraie bonne nouvelle car l’Inra semble jouer de plus en plus son rôle de conseiller agronomique et de moins en moins celui de marionnette des syndicats agricoles et des lobbys de l’agro-industrie qu’elle avait l’air de jouer jusqu’à présent.

lundi 11 février 2008

On arrête le labour!

Les agriculteurs arrêtent de retourner la terre sur plusieurs mètres. C’est ce qui ressort d’une étude publiée jeudi 7 février, par le ministère de l'agriculture, selon laquelle près d’un tiers des grandes cultures plantées cette année l’on été sans retourner la terre. Cette pratique, fortement développée dans les années 50 avec des concours de labour dans les villages, dans un temps où la France cherchait à atteindre l’autosuffisance alimentaire, est considérée comme traumatisante pour le sol.
En effet, le labour met sens dessus dessous les microbactéries qui fabriquent l’humus. Cette pratique désorganisent les chaînes biologiques. Cette désorganisation entrainait une forte érosion des sols. Toute la bonne terre partait avec les eaux de pluie dans les cours d’eau limitrophes. Le labour était surtout néfaste aux vers de terre, qui contribuent à l’aération des sols. Avec la pratique du non labour, les agriculteurs voient augmenter la biomasse microbiennede 327 % et la biomasse lombricienne de 575%.
Seul inconvénient du non labour des cultures : un développement des mauvaises herbes. Là où certains décident de forcer sur les herbicides, d’autres agriculteurs reviennent à des pratiques de désherbages mécaniques, comme Philippe Desbrosses, à la ferme de Sainte Marthe. Comme le fait remarquer un agriculteur du Tarn, avec le non labour : « Le sol redevient le pilier de l’agriculture »

vendredi 8 février 2008

Traité de Lisbonne : mer peu agitée

Jeudi 7 février, la météo politique a été d’une grande justesse dans ses prévisions. Comme prévu, la mer fut calme et peu agitée au sein de l’Assemblée Nationale. Paris a ratifié le traité de Lisbonne : 336 voix contre 52 voix. La France a sauvé la machine européenne. Ouf ! Le temps va redevenir au beau fixe. De la vague déchaînée du « Non » français du 29 mai 2005, il ne reste plus qu’un vulgaire clapotis sur les rivages européens. Ce traité doit entrer en vigueur le 1er janvier 2009 et va amarrer le… 31 mars 2017, seulement. Une fois les Français entrés à bon port, l’Europe va ressembler à une longue croisière où ses habitants vont avoir l'air de s'ennuyer... de s'ennuyer...Mer calme et peu agitée, la météo nous l’avait pourtant bien dit... Non, même de ça, personne ne tient compte!

mardi 5 février 2008

Vieille habitude













Granada, España, 26 janvier 2008

OGM : Avoir le sens de la formule

«La liberté de cultiver des OGM destinés à l’alimentation ou de ne pas le faire est garantie.» Traduction: « OU tu plantes des OGM, OU tu n’en plantes pas ».
Cette « traduction » faite par un lecteur de Libé dans les commentaires du journal en ligne, est celle du projet de loi sur les OGM présenté en première lecture au Sénat ce mardi.
En effet, depuis le lointain Grenelle, en octobre 2007, les associations de protection de l’environnement avaient été ravies de découvrir le texte : « «Libre choix de produire et de consommer sans OGM» qui devait être l’article 1 de la loi sur les OGM.
Depuis le Grenelle, le président de la république, Nicolas Sarkosy, a appuyé les positions de Michel Barnier, ministre de l’agriculture, plutôt que les propos de Jean Louis Borlo, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, plutôt défavorable aux OGM.
Le texte évoque donc la «liberté de cultiver avec ou sans OGM». Cette nouvelle formule faisait apparaître la possibilité d’une coexistence entre les deux modes de culture, alors que les conclusions du Grenelle ne l’évoquait pas. Pourtant cette formulation continuait de gêner (on le comprend) ceux qui veulent mettre des OGM partout. En effet, la « liberté de produire sans », pouvant conduire à des procès pour contamination. Jean Bizet, Sénateur UMP, et patron du groupe de travail sur les OGM au Sénat a donc déposé un amendement pour que la phrase soit modifiée. Ce nouveau texte serait le suivant «La liberté de cultiver des OGM destinés à l’alimentation ou de ne pas le faire est garantie.». Magie de la formule : aucune loi ne protègera les petits producteurs bio. Comme le fait remarquer le sénateur vert Jacques Muller, rare représentant du camp adverse dans le groupe de travail sur les OGM : « Quand on crée une loi, c’est pour protéger les faibles. Dans ce débat sur les OGM, le texte a dérivé pour arriver à un « droit de polluer ». C’est très grave »

lundi 4 février 2008

audioguide pour deux













Granada, España, 26 janvier 2008

Calle Angulo, n° uno (troisième épisode)

Je sais maintenant pourquoi je suis descendu à Grenade, c’est par l’innocente faute de ces photographies de hauts lieux du tourisme et de la culture mondiaux qui égayaient les compartiments des trains il y a encore une vingtaine d’années de cela puisque j’étais alors lycéen. Je dois donc mon envie de Grenade très probablement à ces vues de l’Alhambra exubérante sur papier noir et blanc, entre les photographies du Mont-Saint-Michel, du viaduc de Gabarit ou du Pont du Gard.

L’Alhambra écrase la ville de sa superbe, légèrement retranchée derrière un rideau d’arbres, elle reste prête à tous les sièges, à toutes les avanies, silencieuse et sage, forte de son histoire millénaire et des trésors qu’elle garde en son sein, des conspiratiosn et des amours qu’elle a abrité. Il n’est guère utile de rajouter aux superlatifs quant à cette forteresse parcourue chaque année par des hordes de touristes plus ou moins polis, plus ou moins japonais, qui sont obligés de pointer à heure fixe pour entrer dans les palais Nasrides ou prendre la queue afin de contempler les jardins suspendus de la Generalife où l’eau jaillit de toute part sous la simple mais universelle gravitation. Soyons gré aux souverains d’Espagne d’avoir fait leur ces palais, de les avoir protégés, conservés, menagés plutôt que de les mettre bas. Soyons gré à Charles Quint d’avoir voulu construire un autre palais qui trône complètement incongru et lourdingue, qui roule des épaules sans parvenir à être crédible au milieu de l’espace plutôt que de saccager le leg des arabes.

Mais c’est donc au numéro un de cette rue Angulo, transformée depuis en hôtel, dans cette maison appartenant au chef de la phalange, de ses amis pourtant, que s’était réfugié Federico Garcia Loca, icône de l’Espagne toute entière, adulé mais aussi “rojo”, rouge, suppôt de Moscou, agitateur forcément, c’est ici qu’il s’était réfugié après avoir senti le vent du boulet passer en sa maison, la Huerta Sant Vicenta, distance d’un petit quart d’heure de marche et ceinte alors de vergers, maison toujours ouverte au coeur du parc qui porte le nom du poète mais dont la visite n’apporte rien, ou si peu, quant à la connaissance qu’il est possible d’acquérir sur Federico, sinon par l’écho donné à son œuvre par les artistes contemporains dont les travaux figurent en bonne place au rez de chaussée et à l’étage.

dimanche 3 février 2008

La multiplication des portraits













Granada, España, 26 janvier 2008.

Calle Angulo, n° uno (deuxième épisode)

Nous sommes à Grenade, en janvier, il fait frais et froid le matin mais doux dans la journée, au soleil qui fait luir un pleu plus loin les flancs généreux et couverts de neige de la Sierra Nevada, fidèle aux cartes postales disséminées de part le monde depuis les boites à lettre en forme de tête de lion de la ville.Le centre ville est dense clair lisible, comme si le temps avait marqué les frontières de son ouvrage.

Ici, avec la rue Elvira, haut lieu des nuits grenadines prend fin la Grenade médiévale, les quartiers Arabe et juif, qui isolent le quartier gitan repoussé en périphérie sur les collines acariâtres qui ceignent la ville en son Est. Tandis qu’au sud et à l’Ouest, la ville moderne, bâtie à l’espagnole, avec force logement collectif, contente ses appétits d’espace en grignotant la plaine place sous la surveillance de la forteresse. Flâner à Grenade en ouvrant les yeux et les oreilles revient à plonger dans l’histoire de l’occident pour aller flirter avec quelques unes de ses aspérités, des ses moments les plus glorieux comme des plus tragiques. Symbolique, le vaste momument situé au terme de la Gran Via Colon, met en scène et en cuivre la grande Isabelle la Catholique, assise sur son trône et sur un coussin de travers, couverte de merde de pigeon, se faisant expliquer par Christophe Colomb l’essence de son projet, de son ambition folle.

Retournement cynique de l’histoire, ou facétie d’urbaniste, le monument est aujourd’hui cerné d’un flot de voitures - enserré dans un de ces ronds points qui vous fait paraître stupide à la moindre incartade - tout comme le voyage de Colomb vers les Indes allaient commencer de cerner la terre entière.

Traîner ses savates dans l’ancien souk, contre lequel la cathédrale colossale vient buter, impose de prendre en considération que Grenade fut, plus de sept siècles durant, sous gouvernance musulmane, liée à Damas l'orientale, que l’art et l’Islam ont laissé des joyaux au cœur même de la hautaine Alhambra. Des églises d’ailleurs, Grenade en compte presque une à chaque coin de rue. À tel point qu’elles semblent former l’ossature même du tissus urbain, la revanche du catholocisme, toujours influent dans le pays, fut telle qu’elle a presque évincée toutes les autres religions depuis lors. La Mosquée a disparu, à sa place, la cathédrale en impose arborant en façade, au dessus d’une de ses portes, une inscription sans équivoque qui rappelle que seul le patronnage de la foi et de la justice a pu permettre l’expulsion des musulmans d’Espagne, en 1492.

(à suivre, si ça vous intéresse)

samedi 2 février 2008

Nostalgie tenace




















Granada, España, 26 janvier 2008

Calle Angulo, n° uno (premier épisode)

En janvier, froid sec du matin, brouhaha décent de la ville un peu plus loin, occultée par les immeubles. La lumière tombe oblique sur les pavés de la rue, de cette rue, parallèle à deux ou trois autres du même acabit qui relient plus ou moins, selon leur bon vouloir, la plaza de los lobos, la place des Loups, à la plaza de la Trinitad. Tout un programme. Presque au coin de la rue avec la place des loups, la pension où j’ai élu domicile pour quelques dizaines d’heures, à l’autre extrémité à proximité de la place de la Trinité, l’hôtel de la Reine Christine, nommé ainsi - selon les serveurs du bar - parce que la fille de la patronne s’appelait Christina, fait luir ses étoiles dans la demi pénombre de la matinée. Le soleil peine à se faufiler dans ces rues courtes et encaissées mais propres à permettre de marcher toujours à l’ombre malgré la chaleur de midi en été. C’est ici, dans cette rue qui compte également un bar, un imprimeur, des immeubles d’habitation ainsi que, juste en face, une boutique discrète d’effets religieux, dans cette rue qu’il est sorti entre ses bourreaux, ayant déjà compris vraisemblablement, à la fin du mois d’août 1936. Ce n’était pas une année comme une autre, l’europe bruissait déjà vivement du choc entre les forces réactionnaires déjà ancrées dans une féodalité moderne du capitalisme anglo-saxon mâtinée de nationalisme et celles, communistes, qui prônaient alors le progrès partagé et le paradis sur Terre. L’Europe bruissait, s’échauffait, mais l’Espagne, elle, déjà pleurait ses morts en se déchirant.

(à suivre)

vendredi 1 février 2008

Le beau sourire incongru













Granada, España, 24 janvier 08